Excès de vitesse , circonstances exceptionnelles et gravité de l’infraction

La loi sur la circulation routière règlemente de manière détaillée les infractions et les sanctions relatives aux excès de vitesse à tel point que ces règles ont pu faire l’objet d’une schématisation rigoureuse (cf. tableau annexé) . Il s’agit là de minimas qui peuvent, selon les circonstances et les antécédents , être appréciés plus sévèrement. Récemment encore, le Tribunal fédéral a eu l’occasion, dans un arrêt rendu le 25 février dernier (TF 6B_973/2020) , de confirmer que l’autorité de poursuite pénale conservait une certaine latitude dans son appréciation.

Avant de revenir sur ce récent arrêt, il nous apparaît nécessaire de rappeler un arrêt de principe publié par le TF (ATF 143 IV 508 , qui renvoit lui-même à l’arrêt 142 IV 137 ) qui concernait un délit de chauffard (art. 90 al. 3 et 4 LCR) suite à un dépassement de + 58 km/h (soit 108km/h) là où la vitesse était limitée à 50 km/h. En résumé, le Tribunal fédéral a constaté que si l'on comprenait sans ambiguïté du texte légal que l'atteinte de l'un des seuils énumérés à l'al. 4 constituait toujours un cas d'excès de vitesse particulièrement important au sens de l'art. 90 al.   3 LCR, le libellé de l'al. 4 n'était pas absolument clair s'agissant des autres conditions de réalisation de l'infraction . Par interprétation de la disposition, le Tribunal fédéral a retenu que celui qui commettait un excès de vitesse appréhendé par l'art. 90 al. 4 LCR commettait objectivement une violation grave qualifiée des règles de la circulation routière au sens de l'art.   90 al. 3 LCR et réalisait en principe les conditions subjectives de l'infraction. En effet, il fallait considérer que l'atteinte d'un des seuils visés à l'art. 90 al. 4 LCR impliquait généralement l'impossibilité d'éviter un grand risque d'accident en cas d'obstacle ou de perte de maîtrise du véhicule. Cependant, l a notion d e "délit de chauffard" d oit être interprétée de manière restrictive au vu des importantes conséquences pénales et le juge doit conserver une marge de manœuvre , certes restreinte, afin d'exclure, dans des constellations particulières, la réalisation des conditions subjectives lors d'un dépassement de vitesse particulièrement important au sens de l'art. 90 al. 4 LCR.

Il s’agit ainsi d’une présomption réfragable qui permet à l’automobiliste de contester la réalisation de l'élément subjectif de l'infraction réprimée par l'art. 90 al. 3 LCR , dans des circonstances exceptionnelles, en particulier lorsque la limitation de vitesse dépassée n'avait pas pour objet la sécurité routière .

Également sous l’angle de l’article 90 al. 2 LCR (cas grave), l a jurisprudence admet que dans des circonstances exceptionnelles, il y a lieu d'exclure l'application du cas grave alors même que le seuil de l'excès de vitesse fixé a été atteint. Ainsi, sous l'angle de l'absence de scrupules, le Tribunal fédéral a retenu que le cas grave n'était pas réalisé lorsque la vitesse avait été limitée provisoirement à 80 km/h sur un tronçon autoroutier pour des motifs écologiques liés à une présence excessive de particules fines dans l'air (arrêt 6B_109/2008  ; 6B_444/2016 ) ou encore lorsque la limitation de vitesse violée relevait notamment de mesures de modération du trafic (arrêt 6B_622/2009). Cette jurisprudence en lien avec l'art. 90 al. 2 LCR confirme que même lorsque les seuils d'excès de vitesse fixés ont été atteints, le juge ne peut faire l'économie de l'examen de circonstances exceptionnelles . Il appartient dès lors à l’automobiliste de veiller à ce que son cas ne soit pas traité trop schématiquement en relevant d’emblée les circonstances exceptionnelles de son infraction.

Toutefois, d es circonstances exceptionnelles peuvent également être retenues au détriment du conducteur fautif. Ainsi, le 25 février dernier (arrêt TF 6B_973/2020) , le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation d’un automobiliste pour infraction grave au sens de l’article 90 al. 2 LCR pour le fait d’avoir commis, sur autoroute, un excès de vitesse de +31 km/h (soit 111 km/h) sur un tronçon limité à 80 km/h.

En l'espèce, la limitation de vitesse sur le tronçon concerné avait pour objectif la sécurité routière, en raison des travaux effectués à l'époque. Il n'exist e aucun élément de fait particulier permettant d'écarter la mise en danger abstraite, au sens de l'art. 90 al. 2 LCR, induite par la vitesse excessive. Il importe peu de savoir comment le chantier se déployait précisément le jour des faits, en particulier si des ouvriers étaient effectivement en train de travailler sur le chantier au moment et à l'endroit précis de l'excès de vitesse. Compte tenu du motif pour lequel la vitesse maximale autorisée avait été abaissée à 80 km/h, l’automobiliste ne pouvait partir du principe qu'il ne créait aucun danger particulier parce que la présence d'un chantier, d'ouvriers ou d'autres usagers de la route n'était pas manifeste, étant encore précisé que les travaux faisaient l'objet d'une signalisation. La situation du cas d'espèce n'est par conséquent nullement comparable à celles dans lesquelles le Tribunal fédéral a exceptionnellement exclu la réalisation d'un cas grave alors même que le seuil déterminant avait été atteint.

En définitive, en matière d’excès de vitesse, le maître mot est la sécurité routière. Il s’agit là d’un principe qui, s’il est violé ou non, peut conduire à l’aggravation ou l’atténuation de la faute finalement imputée à l’automobiliste. Avec la prolifération des zones 30 km/h pour des impératifs de protection contre le bruit en milieu urbain, il sera nécessaire, dans l’intérêt des automobilistes, de veiller à une application juste et conséquente des dispositions légales dans les situations où aucun impératif de sécurité routière n’aura justifié un tel déclassement.


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