Autorisation de parcours manquée de peu

Essai Tesla Model 3 Dual Motor Performance

On vous l’avoue : chez nous aussi, la voiture électrique somnole dans un tiroir que l’on n’ouvre pas (encore ?) bien volontiers. Mais voilà que se présente une Tesla performante, la Model 3 Long Range Performance – juste à temps pour nous donner l’occasion de larguer par-dessus bord les valeurs établies depuis longtemps. On peut l’acquérir à partir de CHF 66'700.-.

La Model 3 a connu un départ difficile. À maintes reprises, Tesla lui-même ou les médias avaient annoncé des retards dans la commercialisation. Mais dès aujourd’hui, après la Model S et la Model X, un autre produit Musk propose à la classe moyenne supérieure une incitation concrète de s’offrir un véhicule électrique. La Model 3 est difficile à déchiffrer pour les journalistes spécialistes en essais de voitures. Le véhicule en lui-même n’est pas mystérieux – c’est plutôt l’absence de communication à la presse par le constructeur qui dérange.

Des données techniques? Non, merci!

Pour obtenir des données techniques fiables, il faut entreprendre des recherches compliquées. Elles démontrent que dans notre voiture test, un moteur synchrone à excitation permanente et un moteur asynchrone triphasé produisent ensemble 510 CV. Avec la batterie de 75 kWh, une autonomie d’environ 530 km est dans le domaine du possible.

Design sans accrocs

Le design de la Model 3 semble sortir tout droit d’un atelier ringard. Vue de l’avant, et sous certains angles, elle a l’air d’une Porsche Panamera rétrécie, et à l’arrière, on ne peut s’empêcher de l’associer aux Ford et Jaguar. Mais la Tesla se soucie très peu de l’opinion publique. On doit tout simplement accepter son aspect visuel sans pour autant en faire une question de foi. Même chose pour l’intérieur qui dote le monde automobile d’une toute nouvelle absence d’identité : pas de boutons, pas d’interrupteurs, pas de buses d’aération – il n’y a que deux choses qui comptent ici : le volant et un écran gigantesque qui permet de conduire la voiture comme on utiliserait un iPhone Apple.

Digital, pas mécanique

Cette nouvelle nudité est si inhabituelle que l’on se surprend à tendre la main, encore et toujours, pour toucher la console centrale ou actionner le levier de vitesse. Mais celui-ci est placé - à l’américaine – directement derrière le volant et c’est, en fait, un commutateur de colonne de direction. Dans la Tesla, ce concept de fonctionnement lui enlève toute la spécificité d’une voiture, mais la dote de fonctions actionnées par commandes numériques, carrément inhabituelles en termes de profondeur pour une voiture de cette catégorie de prix. Sur un seul écran, de la climatisation au groupe motopropulseur en passant par la visualisation animée de l’environnement routier, tout défile. Nous avons cependant évité de mettre en marche le pilotage automatique, décrié à maintes reprises par les médias.

À l’intérieur: du confort, mais aussi quelques déficiences

Les passagers s’assoient sur des sièges qui n’existent plus aujourd’hui en Europe. Ils sont confortables, offrent un bon soutien latéral et même un effet relaxant lors de trajets plus longs. Malgré le peu de possibilités de réglages, on ne les échangerait pas contre les sièges confortables, entièrement réglables, de la classe de luxe allemande. La finition, par contre, n’est pas au niveau des Daimler et Audi. Si l’on tient compte des performances de conduite de la Tesla et du coût des mêmes performances avec un moteur à essence, on peut considérer l’intérieur comme un supplément gratuit appréciable. Cela vaut également pour le toit panoramique en verre qui s’étend de la colonne A jusqu’à la colonne C.

Départ de fusée à la Elton Musk

Les performances de conduite, par contre, sont époustouflantes : en 3,4 secondes, la Tesla atteint les 100 km/h. Avec une telle puissance sous le capot, on peut dépasser une Audi R8 aisément au moyen d’une petite accélération intermédiaire. Grâce au couple qui est disponible pleinement et en permanence, l’élasticité n’est pas comparable à celle d’un moteur à essence. Pour cette raison justement, la Tesla défile sans bruit et sans grand battage – et évite du coup aux autres conducteurs de subir du stress. Si une BMW M5 s’aventurait à doubler de la même façon, des appels de phares venant des voitures dépassées seraient garantis. Ce qui nous fait découvrir deux nouvelles sagesses : Ce qui ne rugit pas ne provoque pas de réactions – et : Sans clichés pas de concept d’ennemi.

Châssis solide, pneus faiblards

Ainsi, la Tesla trace son chemin de manière discrète et presqu’inaperçue. À l’intérieur, même à grande vitesse, le silence règne, et le châssis contribue à maintenir le puissant véhicule électrique sur les rails, tout en décontraction. Le couple de 660 Nm n’est limité que par les pneus écologiques dont les forces de guidage latéral n’arrivent pas à suivre le rythme de cette traction intégrale équilibrée. Une conduite sportive n’est pas vraiment indiquée, mais le comportement dynamique dans les virages atteint le niveau d’une voiture normale de cette catégorie. Et la Tesla dispose d’un centre de gravité encore plus bas.   

Une finition bâclée

La finition, par contre, déçoit : interstices inégaux, étanchéité défaillante sur les rebords des tôles pliées et un matériau de qualité moyen dans l’habitacle… la Model 3 ne peut pas faire jeu égal avec les marques européennes. Le coffre de 450 litres, par contre, est absolument comparable aux standards de cette catégorie, et les sièges arrière peuvent être rabattus facilement. Même sous le capot, il y a un petit espace de rangement. On peut donc dire que l’aptitude à un usage quotidien est donnée, nous sommes juste un peu dubitatifs concernant la durée de vie usuelle de douze ans. 

Il vaut mieux ne pas freiner brusquement

Voilà un autre point faible : les freins. En les utilisant essentiellement en cas d’un freinage d’urgence, ils sont froids lorsqu’on en a besoin. Cela entraîne la perte d’une grande partie de l’effet du freinage, qui aurait eu son impact grâce aux températures plus élevées avec un moteur à combustion normal. Étant donné l’énorme puissance et le poids de 1'847 kilos, on aurait pu s’attendre à mieux. Lors du fonctionnement quotidien, c’est plutôt le frein « d’engrenage » qui rassure, car il ralentit la Tesla dès que l’on retire son pied de la pédale de l’accélérateur. Cela demande une courte période d’adaptation, mais une fois habitué à la manœuvre, ça devient un jeu d’enfant.

Du plaisir, mais pas d’égards pour l’environnement

L’autonomie de 500 km se réduit – comme pour tout véhicule électrique – en fonction du profil de l’utilisateur. Elle est divisée en deux si la conduite est sportive et en ville, la valeur indiquée est du domaine du possible. Dans ce cas, par contre, tous les consommateurs électriques tels que la climatisation, constamment activée par une application, devront être éteints. Avec une consommation de 16 kWh aux 100 km, la Tesla se situe de toute façon à l’extrémité supérieure de l’échelle des véhicules électriques. Pourtant, chaque acheteur devrait en être conscient : après tout, cette voiture électrique s’évertue surtout à vous procurer un plaisir de conduite - grâce à une accélération de fusée. La plupart du temps, cependant, le patron de Tesla communique ceci d’une toute autre façon. 

BILAN

La Tesla Model 3 est une petite nouvelle fascinante qui aurait pu être bien meilleure encore si sa production avait été calquée davantage sur les Asiatiques et les Européens. On est d’accord sur le fait que le double moteur pousse le véhicule de manière monstrueuse, les sièges typiquement américains et le châssis équilibré plaisent beaucoup - nous voyons la finition, par contre, d’un œil critique. Sans parler de l’image écologique que Tesla colle à une voiture qui, tout comme une voiture de sport, est chère à l’achat et extrêmement assoiffée aussi. Petit conseil entre amis : avec des packs de skin pour l’écran central, la petite de la Silicon Valley pourrait à coup sûr se parer d’un surplus d’identité de marque.

Texte: Markus Rutishauser / Dennis Gauert

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