Alcool au volant, expert au tournant

Etat des lieux et évolution exponentielle des expertises médicales pour les cas d’ivresse au volant

La présente rubrique est rédigée par des avocats actifs dans le domaine de la circulation routière, que ce soit sur le plan pénal, administratif ou encore en matière de responsabilité civile. Dans chaque article, une problématique différente est abordée de manière synthétique, de manière aussi simple que possible, malgré une évolution complexe des dispositions légales applicable. Il est question aujourd’hui d’alcool au volant et d’expertise relative à l’aptitude à la conduite.

Tout le monde le sait, la limite admissible en Suisse pour prendre le volant est aujourd’hui fixée à 0,5 %o alors qu’elle était autrefois fixée 0,8%o. Il s’agit là de grammes pour mille dans le sang. Néanmoins, depuis 2014, la loi a accordé une force probante accrue du contrôle au moyen de l’éthylomètre, soit le fameux « ballon », dont le rapport s’exprime en milligrammes par litre d’air expiré. Les limites légales sont par conséquent les suivantes :

  •  Jusqu’à 0,24 mg/l (ou jusqu’à 0,49%o) : pas d’infraction.
  • Dès 0,25 à 0,39 mg/l  (ou de 0,5 à 0,79%o): infraction légère (ébriété).
  • Dès 0,4 mg/l  (ou dès 0,8%o) : infraction grave (ébriété avec taux qualifié).

Sur le plan administratif, l’infraction grave implique un retrait de permis de trois mois au moins. La loi, plus particulièrement l’article 15d al. 1 let. a LCR entré en vigueur le 1 er  juillet 2014, a fixé une nouvelle limite importante pour déterminer l’aptitude à la conduite suite à un problème d’ébriété au volant : lorsqu’une conduite en état d’ébriété de 0,8 mg/l (ou 1,6 %o) est constatée, l’aptitude à la conduite soulève des doutes et doit faire l’objet d’une enquête, autrement dit une expertise. Dans pareil cas, la jurisprudence reconnaît à l’autorité administrative la possibilité de prononcer un retrait préventif du permis de conduire, conformément à l’article 30 OAC. Il s’agit toutefois de préciser que si le fait d’ordonner un examen médical ou une autre clarification se justifie déjà par un simple doute quant à l’aptitude à la conduite, une décision de retrait préventif n’est possible qu’en cas de soupçons concrets et sérieux d’inaptitude représentant un risque particulier et un danger immédiat pour les autres usagers, les faits devant être examinés ici au degré de la vraisemblance. En tout état de cause, une telle décision de retrait préventif ne devrait en principe intervenir qu’après avoir laissé à l’intéressé la possibilité de se déterminer, afin de respecter son droit d’être entendu (art. 23 LCR).

Si les conséquences d’un retrait préventif et d’une expertise médicale sont lourdes, particulièrement au regard de la privation du droit de conduire mais également des coûts engendrés par l’expertise et supportés par le conducteur, l’article 15d al. 1 let. a LCR a le mérite de fixer clairement le taux d’alcool dans l’haleine (0,8 mg/l) ou dans le sang (1,6%o). Sous l’ancien droit et au travers différents arrêts, le Tribunal fédéral avait fixé cette limite à 2,5%o, considérant qu’un tel taux laissait supposer un problème de dépendance à l’alcool. Le nouveau droit est ainsi plus restrictif, ce qui n’est guère surprenant.

Mais la portée restrictive du nouveau droit ne s’arrête pas là. En dehors du cas particulier prévu expressément à l’article 15d al. 1 let. a LCR, le Tribunal fédéral a également considéré qu’un examen médical devait également être ordonné (et un retrait préventif prononcé !) en cas de troisième ivresse constatée en dix ans. Ainsi, une succession de trois cas d’ébriété, même simple, peut amener l’autorité à ordonner une expertise médicale et à retirer le permis du conducteur fautif de manière préventive, pour une durée indéterminée. Toutefois, il peut exceptionnellement en aller autrement lorsqu’il s’est écoulé plus de 5 ans entre deux ivresses, à condition qu’il ne s’agit pas, ni pour l’une ou ni pour l’autre, d’une ivresse qualifiée.

Enfin, une expertise peut également être ordonnée lorsque l’ivresse au volant est commise dans des circonstances particulières, notamment lorsqu’elle survient peu de temps après une première ivresse, même non qualifiée, ou lorsque la consommation d’alcool se fait en parallèle avec une consommation de produit stupéfiant.

Comme on le constate, il n’est pas nécessaire que l’ivresse constatée soit qualifiée pour qu’une expertise médicale soit ordonnée et qu’un retrait préventif du permis de conduire est prononcé. Néanmoins, il faut avoir à l’esprit que c’est toujours en fonction des circonstances concrètes qu’une telle mesure peut être prise par l’autorité administrative.

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