Comme dans le sport, le secteur de l’automobile connaît depuis plusieurs années une réelle féminisation. Que ce soit dans la mécanique, le design, l’ingénierie ou encore la vente, les femmes commencent à s’imposer dans des métiers autrefois réservés aux hommes.
L’avenir du secteur automobile, en pleine mutation avec l’électrification et le numérique, offre de nouvelles opportunités aux femmes. Afin de dynamiser cet accès aux métiers de l’automobile, des initiatives sont mises en place pour encourager les femmes à intégrer ce secteur. Notamment par l’encouragement à intégrer les filières professionnelles par les écoles, mais également au travers de témoignages de professionnelles, puis enfin l’offre de stages en entreprise. L’objectif est très clair : valoriser les carrières féminines existantes et renforcer l’attractivité de ces métiers auprès des jeunes filles, comme en témoignent celles que nous avons rencontrées sur leur lieu de travail. Mais auparavant, il est intéressant de connaître la position de Romain Guérinchault, président de la formation professionnelle des métiers de l’automobile auprès de l’UPSA, et coordinateur des examens finaux.
L’attrait de l’automobile reste essentiellement lié à la passion, mais il est contrebalancé par quelques a priori, tels que la pénibilité physique, la saleté et ce côté «sous-métier» du fond des ateliers, avec des clichés qu’on a vus chez de vieux garagistes de quartier à la salopette sale au fond du garage. Mine de rien, cette image est difficile à effacer, et c’est ce que nous nous appliquons à faire au travers d’un gros travail d’information.
Ce sont des métiers qui restent contraignants, mais valorisés, qui offrent également énormément d’avantages et de possibilités. Un des avantages – et pas des moindres – est l’excellente convention collective, qui permet, après les quatre ans de formation de mécatronicien, de poursuivre un cursus vers un brevet fédéral. Autre point non négligeable, des conditions de rémunérations très intéressantes.
En général, ils sont une centaine à débuter la formation et il en reste entre soixante et quatre-vingts inscrits aux examens finaux. Différentes raisons expliquent ce différentiel, comme notamment la jeunesse de certains candidats sortant du cycle d’orientation, qui ne savaient pas encore vraiment ce qu’ils voulaient faire, ou alors parce qu’ils ont entamé cette formation dictée par le choix de leurs parents. Un «écrémage» normal qui va dans le bon sens.
Malheureusement, la proportion est très faible. Au terme de la formation, sur les soixante candidats aux examens finaux, nous comptons entre quatre et six femmes. Par contre, ce nombre correspond à celui enregistré lors de l’engagement, ce qui signifie une nettement plus grande constance dans le choix de nos métiers par les filles. Non seulement elles vont au bout, mais elles ont des idées claires sur leur avenir, notamment en enchaînant vers le brevet fédéral.
On parle ici de profils déterminés pour ces filles qui ont fait le choix d’évoluer dans des milieux pas forcément dédiés aux femmes, en tout cas dans l’inconscient collectif. On peut expliquer la situation des femmes dans ces formations par le fait que leur choix est vraiment réfléchi, d’où leur détermination.
On constate une légère augmentation chaque année, soit une ou deux candidates qui s’ajoutent à la moyenne. Cela signifie que l’information circule et que l’intérêt est amplifié, c’est un bon signe pour l’avenir.
Comme dans le cas des garçons, il s’agit d’une mixité entre celles qui sortent directement du cycle d’orientation, et d’autres qui changent de voie après avoir entamé une formation qui ne leur convenait pas.
Concernant ce sujet, je vais parler d’un ressenti personnel, parce qu’il n’existe pas de statistiques. On ressent beaucoup plus de motivations chez les filles que chez les garçons, compte tenu du choix qu’elles ont fait d’emprunter ces voies. On l’a dit précédemment, ce ne sont pas encore des métiers communs pour les femmes, et celles qui font ce choix l’ont fait de manière très réfléchie. La détermination est palpable chez les filles, et j’ai un petit exemple à ce sujet. Nous avions besoin de volontaires pour un spot promotionnel sur nos métiers et sur quatre, trois étaient des filles.
Les garçons étaient réticents, craignaient que les copains se fichent d’eux, etc. Ce qui n’était pas un sujet pour les filles qui, au contraire, voulaient participer à ce spot pour mettre en avant nos métiers. C’est peut-être lié à une maturité plus précoce chez les filles à ces âges-là. Quoi qu’il en soit, nous nous félicitons de l’intérêt qu’ont les jeunes pour les métiers de l’automobile et notamment les filles, puisque c’est le sujet de cet article.
Qui sont-elles ?
Peu de jeunes femmes sont en apprentissage, mais c’est sans aucune difficulté que nous en avons rencontré trois, dont une qui a terminé sa formation. Elles ont répondu à ces questions :
1. Comment êtes-vous arrivée à ce choix professionnel et qu’est-ce qui vous attire dans ce métier ?
2. Quelle a été la réaction de vos parents ?
3. Quels sont vos projets ?
1. Dès ma scolarité obligatoire achevée, j’ai décidé de ne pas emprunter la voie des études académiques en entrant au collège. J’ai préféré entrer en apprentissage, ce qui, selon moi, ouvre davantage de portes qu’un papier du collège. J’ai fait trois ans d’apprentissage en informatique, que j’ai terminé. Mais ce n’était pas assez manuel, je voulais toucher la technique de mes mains. Pour ça, j’ai commencé par un stage chez Amag, pour confirmer ce que je recherchais. J’ai la passion de la mécanique, et je suis très heureuse d’avoir choisi ce métier de mécatronicien. Je recommande surtout de faire un stage avant de décider de son choix professionnel.
2. Mon père était très fier, parce que c’est un métier qu’il aurait voulu exercer, et ma mère était heureuse, parce qu’elle souhaitait que je fasse un métier que j’aime.
3. Je ne me vois pas rester dans un garage, j’ai l’ambition de devenir ingénieur en mécanique, et pour y arriver, je projette de poursuivre mes études à Bienne, à la fin de mon apprentissage. Le développement de la technologie me passionne et je veux y participer.
1. La passion de l’automobile m’a été transmise par mon père, ce qui m’a mise sur la voie de ces métiers. J’ai commencé par deux stages de carrossier-peintre avant de me décider et commencer mon apprentissage à la carrosserie Autobritt. Le terme de carrossier-peintre est un peu trompeur. La formation est essentiellement celle de peintre, seuls quelques petits travaux de réparations de plastiques touchent à la carrosserie. J’adore l’aspect artistique, le jeu des couleurs qui réclame beaucoup de minutie. Pour moi, c’est un métier artistique.
2. Mon pèreet ma mèreétaient très contents pour moi que j’aie découvert ma voie.
3. Après les quatre ans d’apprentissage, il est possible de poursuivre la formation pour passer le brevet. Dans un tout premier temps, je vais essayer de me qualifier pour le championnat genevois des métiers. Plus tard, si je vois les choses en grand, ce serait d’ouvrir mon propre garage. Mon père ferait la mécanique, moi la carrosserie avec un tôlier. Mon père m’a promis de me rejoindre si j’ouvre mon garage. De toute façon, mon but est d’évoluer dans ce monde. J’encourage toutes les femmes passionnées à oser franchir le pas de ces formations dans le domaine de l’automobile.
1. Ce n’était pas tout simple, après avoir terminé l’école, je me cherchais, je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire. Dans un premier temps, j’ai enchaîné les petits boulots, avant de faire un stage au Centre Porsche. C’était le déclic, j’ai découvert ma passion de l’automobile, j’avais trouvé ma voie. J’ai alors entamé un cursus particulier sur six ans, en commençant par une AFP sur deux ans (attestation fédérale de formation professionnelle), avant un CFC de mécanicien également sur deux ans, puis un CFC de mécatronicien, toujours sur deux ans. Après ces six ans, je suis maintenant mécatronicienne, toujours au Centre Porsche des débuts. J’adore mon métier, l’aspect manuel, travailler sur de belles voitures rajoute encore au plaisir. Et, cerise sur le gâteau, je participe aux sorties circuit et à quelques courses de la branche sportive du garage.
2. Mes parents étaient très contents, et pas trop surpris, parce qu’ils savaient que j’étais attirée par ces métiers «d’hommes». Pour moi, il n’y a pas de métiers d’hommes, les femmes ont les mêmes capacités.
3. Passionnée par mon métier et la marque sur laquelle je travaille, j’ai fait lesformations en diagnostics et recherches de pannes, parce que je souhaite me spécialiser dans ce domaine.
Texte Gérard Vallat / Images zVg